Le Béton

Etude de Cas : Enfouissements des déchets radioactifs

Suite à notre visite du Laboratoire d’Etude du Comportement des Bétons et Argiles (LECBA) au C.E.A de Saclay nous avons décidés de centrer notre étude de cas sur la gestion des déchets radioactifs à plus ou moins long termes. Nous remercions très chaleureusement les chercheurs du laboratoire pour leur accueil notamment MM. Christophe Gallé et Patrick Le Bescop.

L’objectif de la gestion à long terme des déchets radioactifs est de protéger l’homme et son environnement contre toute émission ou dissémination de matières radioactives. Les concepts de stockage, adaptés à chaque type de déchets, doivent isoler les matières radioactives de l’environnement pendant le temps nécessaire à la décroissance de la radioactivité. Pour cela, il faut entièrement maîtriser la gestion des déchets radioactifs, de leur production à leur stockage définitif, en passant par leur conditionnement.

Les déchets radioactifs présentent une diversité importante selon leur forme physique et chimique, leur niveau de radioactivité et la période des éléments radioactifs en cause, mais aussi selon leur volume. En France, chaque catégorie de déchets est gérée dans une filière particulière qui comprend une série d’opérations comme le tri, le traitement, le conditionnement, l’entreposage et éventuellement le stockage.

Les tranchées de béton ont été l'une des premières méthodes utilisées pour l'entreposage des déchets de faible activité. Ces tranchées, qui avaient environ 130 pieds de long, 23 pieds de large et 10 pieds de profondeur, étaient construites dans des régions où le sol a une faible perméabilité afin de ralentir la migration des radionucléides pouvant s'en échapper. Une fois remplies, ces tranchées étaient recouvertes d'un couvercle de béton d'un pied d'épaisseur. On construit la tuile de béton excavée, un autre type de structure enfouie, en creusant un trou et en y plaçant une conduite de béton précontraint sur une base en béton. Une fois ces deux éléments soigneusement attachés, le trou est comblé et recouvert d'un couvercle fait du même matériau. Des blindages en acier ont été ajoutés par la suite pour régler les problèmes de fuite d'eau observés au début.

I. Plusieurs étapes

Le tri : Il permet de séparer les déchets selon leurs caractéristiques notamment la période radioactive des radionucléides qu'ils contiennent. Il conduit également à séparer les déchets que l’on peut compacter, incinérer ou fondre.

Le traitement et le conditionnement : Selon leur nature, les déchets subissent des traitements différents (incinération, calcination, fusion, compactage, cimentation, vitrification etc.). Puis ils sont enfermés dans un conteneur. On aboutit ainsi à un objet appelé « colis » de déchets radioactifs.

L’Entreposage et le stockage : Les installations d’entreposage actuelles sont conçues pour accueillir les colis de déchets pendant une durée limitée, quelques dizaines d'années maximum. Les autorisations de fonctionnement font l'objet de réexamens périodiques. Le stockage est le stade ultime d’une filière et suppose le dépôt définitif des colis ou, du moins, l'absence d'intention de les reprendre. Cela signifie naturellement que les dispositions retenues garantissent la protection de l’homme et de l’environnement aussi bien à court qu’à très long terme.

II. A chaque catégorie son mode de gestion

1. Les déchets à vie très courte (VTC)

Leur niveau de radioactivité disparaît quasi totalement en quelques dizaines de jours, ils sont donc entreposés un temps suffisant puis éliminés par le circuit des déchets hospitaliers.

2. Les déchets de très faible activité (TFA)

Ils sont stockés dans un centre de stockage situé à Morvilliers (Aube) et exploité par l'Andra. Leur volume total, après démantèlement du parc électronucléaire, est estimé à 1 ou 2 millions de m3.

Centre de stockage en surface des déchets TFA       Divers déchets TFA
Centre de stockage en surface des déchets TFA et photos des déchets

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Dans cette catégorie mais gérés différemment, on trouve les résidus résultant du traitement des minerais d'uranium. Toutes les mines d'uranium sont aujourd'hui fermées en France. Les résidus sont stockés sur une vingtaine de sites miniers, sous la responsabilité de l'ancien exploitant, COGEMA. Ils représentent un volume de l'ordre de 52 millions de tonnes de matériaux.

3. Les déchets de faible et moyenne activité à vie courte (FMA-VC, appelés aussi FA-MA ou déchets "A")

Il est possible de réduire leur volume par des procédés d'évaporation, d'incinération, de découpage ou encore de compactage. Ils sont la plupart du temps cimentés dans des conteneurs. Selon l'importance de leur activité, ils subissent différents procédés de conditionnement. Ainsi, si celle-ci est faible, ils sont simplement enfermés dans des fûts métalliques. Dans le cas où elle est plus importante, ils sont confinés dans des conteneurs en béton. Une fois empaquetés, les colis sont identifiés par un code barre permettant de connaître leur contenu exact.

Le stockage est la gestion finale adoptée en France depuis la fin des années 60 pour les déchets de faible et de moyenne activité à vie courte. Cette gestion consiste à les confiner dans un centre de surface et à en surveiller l’évolution. C’est l’Andra, gestionnaire des stockages, qui fixe les règles techniques, dans le respect des prescriptions imposées par les pouvoirs publics. Il existe deux centres de stockage en surface : celui de la Manche, fermé depuis 1994 car ayant atteint sa capacité nominale de 527 000 m3, et celui de l'Aube, ouvert en 1992 et exploité depuis par l'Andra.

Centre de stockage de l'Andra dans l'Aube
Centre de stockage de l'Andra dans l'Aube

On estime que le volume de ces déchets sera, à terme, de l'ordre de 1,3 million de m3, en prenant en compte le démantèlement des installations nucléaires actuellement en activité (avec une hypothèse de fonctionnement des réacteurs pendant 40 ans).

4. Les déchets de faible activité à vie longue (FA-VL)

Ils sont entreposés par les producteurs en attente d'une solution de stockage, actuellement à l'étude. Ils représentent environ 4,5 % du volume total des déchets (et 0,01 % de la radioactivité).

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5. Les déchets de moyenne activité et à vie longue (MA-VL, appelés aussi déchets "B")

Ils sont compactés ou cimentés et confinés dans des conteneurs en béton. Ils forment ainsi des colis qui sont entreposés sur leur lieu de production. Ils représentent environ 5 % du total du volume des déchets radioactifs et 4 % de la radioactivité. Compte tenu des activités nucléaires passées et des scénarios de retraitement des combustibles usés, le volume des déchets de moyenne activité et à vie longue atteindrait environ 55 000 m3 en 2020.

6. Les déchets de haute activité et à vie longue (HA-VL, appelés aussi déchets "C")

Particulièrement dangereux, ils sont vitrifiés par incorporation à du verre en fusion qui, après refroidissement, les retient prisonniers. Ils sont coulés dans des conteneurs en acier inoxydable ensuite hermétiquement fermés par soudure d'un couvercle. Ces colis de déchets sont aujourd'hui entreposés par les producteurs (CEA, COGEMA) sur le lieu de leur production passée (Marcoule, Gard) ou présente (La Hague, Manche). Ils représentent 0,2 % du volume des déchets mais 96 % de la radioactivité totale. Le volume des déchets de haute activité et à vie longue représenterait 3 600 m3.

7. Les déchets à recycler

Les déchets de types B et C, se caractérisant par une longue période et/ou par une forte activité, doivent subir un traitement spécifique destiné à séparer :

Les différemment types de colis existants
Les différemment types de colis existants

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III. Recherche d’un béton adapté à un stockage en profondeur

La loi Bataille de 1991 prévoit un stockage en formation géologique profond pour les déchets B et C, les plus dangereux et à durée de vie très longue : le concept est d’utiliser une structure de type minier à environ 500 mètres de profondeur dans une couche géologique stable (le plus souvent dans de l’argile) qui permettrait d’assurer la diffusion la plus lente possible des radioéléments, il peut s’agir d’un stockage définitif ou réversible même s’il est étudié de telle sorte que s’il tombait dans l’oubli il ne soit pas une source de danger pour les générations futures.

Néanmoins des problèmes se posent aux interfaces béton-argile puisque le béton possède un pH très élevé, souvent de l’ordre de 13,5, et que la basicité du béton tend à altérer chimiquement et physiquement l’argile (qui a un pH de 7 environ). Son imperméabilité peut notamment être réduite ce qui peut être critique dans le cas de diffusion de radioéléments. De plus une des réactions de prise du ciment étant exothermique, il peut y avoir une augmentation trop importante de la chaleur dans des éléments de béton très massifs qui peut fragiliser le matériau.

Les scientifiques ont donc voulu développer un béton bas pH compatible avec l’utilisation au contact de l’argile. Pour cela, ils ont remplacé une très grande partie (entre 80 % et 40 %) du clinker par des matériaux de substitution comme la fumée de silice, les cendres volantes ou le laitier. Ces ajouts vont « diluer » le ciment ce qui implique des chaleurs d’hydratation moins importantes et de plus des réactions vont avoir lieu avec la portlandite (Ca(OH)2) principale responsable du pH très élevé du béton ce qui va amener à une diminution du pH.

Ils sont ainsi arrivés à des bétons dont le pH était au moins diminué d’une unité (donc la concentration des ions hydroxydes était divisée par 10), avec une élévation de température lors de la prise inférieure à 20°C et une résistance d’au moins 70 MPa ce qui les classent parmi les bétons hautes performances.

Conclusion

La sûreté de ce stockages repose sur la bonne conception des ouvrages, qui respecte le principe de barrières multiples bloquant la dispersion des éléments radioactifs contenus dans les déchets, et sur la prise en compte de différents scénarios d’évolution naturelle ou accidentelle du stockage comme la dégradation des matériaux de barrière, l’intrusion humaine, la malveillance, etc.).

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2008 - Projet IFIPS S2 : Thibault Baste, Marc Bouffard, César Horlait, Rémi Lacroix, Simon Marcellin, Thibault Oliveira