Le béton a beau être fait avec des matériaux naturels et recyclables, il n’en reste pas moins que sa conception entraîne une consommation d’énergie non négligeable et peut nécessiter l’utilisation d’additifs nocifs pour l’environnement. Nous nous intéresserons donc dans un premier temps à l’énergie nécessaire pour l’élaboration du béton, puis à son problème de vieillissement et à l’impact qu’ont certains additifs du béton sur l’environnement. Enfin nous montrerons que des matériaux différents du béton sont utilisés pour les constructions et qu’ils sont beaucoup plus respectueux de l’environnement et moins gourmand en énergie.
Environ 80% des émissions de CO2 d'un bâtiment proviennent de son exploitation tout au long de sa durée de vie, a expliqué Christophe Lévy, directeur de la Recherche Granulats et Bétons de Lafarge lors d'un point presse. Il est donc nécessaire de repenser les systèmes constructifs pour concevoir des bâtiments moins consommateurs d'énergie. Néanmoins, la fabrication elle-même du béton et en particulier du ciment requière une quantité d’énergie non négligeable.
La principale utilisation d’énergie vis-à-vis du béton vient d’une part, de son acheminement (transport en camion du béton ou des matières premières) et d’autre part de sa confection (mazout ou autre combustible pour cuire la roche en ciment). À cela s’ajoute de la consommation électrique pour brasser mécaniquement de grandes quantités de bétons. Toutes ces consommations d’énergies induisent donc une production plus ou moins forte de CO2.
En outre, les réactions chimiques au sein des composés de la roche calcaire (le fameux carbonate de calcium, nécessaire à la fabrication du ciment) produisent également du CO2 selon la réaction suivante :
Voyons cela de plus près :
La fabrication du ciment rejette donc des quantités non négligeables de dioxyde de carbone : la production d’une tonne de ciment entraîne déjà l'émission d’environ 0,35 tonnes de CO2 rien que par la calcination des matières premières. Et c'est ne pas compter la pollution atmosphérique par les poussières de ciment et l’énergie nécessaire à son élaboration. Alors, écologique le béton ? Un petit schéma pour illustrer :
La fabrication du ciment est une importante source de gaz à effet de serre; elle est à l’origine d’environ 7 à 8 % des émissions totales de CO2 à l'échelle du globe ! En effet, chaque tonne de ciment produite requiert l’équivalent de 60 à 130 kg de fuel (ou son équivalent) et une moyenne de 210 kWh. D’un pays à l’autre, la consommation de ciment par habitant varie fortement en fonction des profils géographiques (tunnels et ponts dans les zones montagneuses), des contraintes sismiques (Grèce, Turquie) et atmosphériques (autoroutes en béton dans les pays du nord), des habitudes locales, des densités de population et du cycle de croissance. La moyenne européenne était en 2004 (source Cembureau) de 528 kg par habitant, avec des pics à 1221 kg pour le Luxembourg, 1166 kg pour l’Espagne et 963 kg pour la Grèce et des plus bas pour la Suède (192 kg), la Lettonie (200 kg) et le Royaume Uni (216 kg).
De plus, à l’aube du XXIème siècle, le Béton comme matériau de construction s’avère inadaptée, tant en termes de respect de l’environnement qu’en termes de confort et d’agrément. En tant que matériau de construction, son défaut le plus important est sans aucun doute son vieillissement. Il entraîne des altérations nombreuses et parfois importantes, qui peuvent nuire à la stabilité du béton.
Les altérations du béton sont variées. Elles atteignent soit la matrice cimentaire soit les armatures, parfois les deux. Leurs origines sont très nombreuses : chaque étape depuis la formulation, jusqu'à la mise en oeuvre, mais aussi l'agressivité de l'environnement peuvent être source de dégradation. Le positionnement des armatures, par exemple, est essentiel : en effet, si elles affleurent ou si elles sont placées trop près de la surface, leur oxydation sera favorisée, ce qui induira une dégradation du béton. En effet, une armature oxydée peut occuper jusqu'à 9 fois plus de volume que le métal initial provoquant des contraintes inertes au matériau. De même, le béton est un produit moulé, aussi toute imperfection du coffrage (étanchéité, aspérités, traces de rouille, ...) laissera son empreinte dans le béton.
La liste des sources possibles de dégradations liées à la formulation ou à la mise en oeuvre est longue. D'autant plus qu'aujourd'hui, des adjuvants et ajouts (fumées de silice, cendres volantes, fillers calcaires ou siliceux...) sont mélangés au béton. Des produits de démoulage sont également utilisés sur les coffrages, ce qui fait autant de paramètres supplémentaires pouvant occasionner des altérations ou des défauts d'aspect, en cas d'utilisation inadaptée.
Cependant, un béton correctement formulé et mis en oeuvre peut s'altérer après quelques années ou quelques dizaines d'années. Dans ce cas les altérations sont soit liées à des problèmes de structure, soit à un vieillissement du béton ou encore à une agression de l'environnement. Indépendamment des problèmes de structure, on parle communément de 5 grands mécanismes de dégradation :
La carbonatation est un phénomène de vieillissement naturel qui concerne tous les bétons. Elle correspond à une transformation progressive d'essentiellement un des composés du béton durci, la portlandite (Ca(OH)2), en calcite (CaCO3) au contact du dioxyde de carbone contenu dans l'air et en présence d'humidité. Cette transformation s'accompagne d'une diminution du pH, le béton sain a un pH d'environ 13, ce qui constitue un milieu protecteur pour les armatures en acier et permet la formation d'une couche d'oxydes passifs. Par contre, le pH d'un béton carbonaté est d'environ 9. A ces valeurs de pH, le film passif est détruit et la corrosion peut se développer.
Une des conséquences principales de la carbonatation est donc de favoriser la corrosion des armatures, lorsque le front de carbonatation les atteint. Elle se traduit la plupart du temps par l'apparition d'épaufrures laissant apparaître des armatures oxydées et par l’explosion ou la fissuration du béton.
Les chlorures peuvent apparaître dans le béton soit par ses constituants (granulats de mer non lavés, béton gâché à l'eau de mer, adjuvants contenant des chlorures...), soit par l'environnement (proximité de la mer, sels de déverglaçage...). Lorsque ces chlorures atteignent en quantité suffisante les armatures (seuil limite en chlorures totaux : 0.65% du poids de ciment selon la norme P18-011), ils conduisent à leur dépassivation et à une plus grande sensibilité à la corrosion. Dans le cas où le béton est déjà carbonaté et que la corrosion est amorcée, les chlorures jouent un rôle de catalyseur.
L'attaque sulfatique, comme l'attaque par les chlorures ne se produit que lors d'un apport suffisant en sulfates. Ces sulfates, sous forme liquide ou gazeuse, proviennent souvent de pollutions industrielles ou urbaines. Ils peuvent réagir avec certains composés du béton (notamment les aluminates), pour produire de l'ettringite secondaire, également appelée sel de Candlot ou trisulfoaluminate de calcium. Lorsqu'ils sont produits en quantité importante, ces sels à caractère expansif conduisent à un gonflement du béton et à sa fissuration. Les fissures produites sont généralement assez fines et surtout sont organisées en un réseau de mailles, on parle de faïençage.
Tous les bétons ne sont pas sensibles aux cycles de gel-dégel. Seuls les bétons dits "gélifs" s'altèrent. Les dégradations se manifestent sous forme de fissurations internes ou d'écaillage et concernent essentiellement les structures horizontales (ponts, terrasses...), susceptibles d'êtres saturés en eau et donc plus sensibles à l'action du gel. Ce phénomène est encore mal connu. La gélivité d'un béton peut être occasionnée par une sensibilité au gel à la fois des granulats et de la pâte de ciment, les deux phénomènes ne s'additionnant pas.
La porosité de la pâte de ciment, peut d'une façon très simplifiée être assimilée à une association de bulles et de tubes (capillaires), les bulles étant reliées entre elles par des capillaires (quand la porosité est connectée). Lorsque l'eau peut se déplacer au travers des capillaires jusqu'à une bulle encore "libre", la glace peut se former sans conséquence nuisible. Si au contraire elle se forme dans les capillaires, elle peut générer de telles contraintes qu'une fissuration peut se développer. En effet, la transformation de l'eau en glace s'accompagne d'une augmentation de volume d'environ 9%. Cependant cette expansion de volume n'est pas la seule origine des fissures. Elle induit également des mouvements d'eau au sein de la porosité. Les pressions occasionnées par ces mouvements d'eau, lorsqu'elles dépassent la résistance en traction du béton, peuvent provoquer l'apparition de fissures. L'expérience montre qu'un réseau de bulles d'air de diamètre et d'espacement (on parle de Lbarre) adaptés à l'ouvrage et aux conditions climatiques auxquelles il est soumis (assuré par l'ajout d'une catégorie d'adjuvants, les "entraîneurs d'air") permet d'améliorer la résistance au gel du béton.
En ce qui concerne les granulats, ce sont essentiellement leur taille, leur porosité et leur perméabilité qui jouent un rôle sur leur gélivité. Les granulats les plus sensibles au gel semblent être les agrégats de grandes dimensions (les sables sont généralement beaucoup moins gélifs que les graviers) et présentant une forte porosité, essentiellement formée de pores très fins.
Sous ce terme se regroupent toutes les réactions qui peuvent se produire entre les granulats du béton et les alcalins de la pâte de ciment. "Trois conditions doivent êtres simultanément remplis pour que ces réactions puissent avoir lieu. Il faut que le granulat soit potentiellement réactif, que l'humidité relative excède 80 à 85% et que la concentration en alcalins dépasse un seuil critique." (M.A.Bérubé & A. Cales-Gibergues).
Il existe trois grands types d'alcali-réactions : les réactions alcali-carbonate, alcali-silice et alcali-silicate. La réaction la plus fréquente est la réaction alcali-silice.
Le nouveau composé formé lors de ce type de réaction est un gel fortement hydrophile qui gonfle en présence d'eau. Le béton touché par cette dégradation voir diminuer ses propriétés mécaniques en particulier sa résistance. Les désordres occasionnés par l'alcali-réaction se présentent sous forme de faïençage ou d'éclatement du béton. Ces réactions n'apparaissent en général qu'après plusieurs dizaines d'années. Cependant si les trois conditions précédemment citées sont remplies, avec notamment une forte réactivité des granulats et une forte teneur en alcalins, une alcali-réaction peut se développer en quelques années.
Cette partie a pour but de présenter d’autres matériaux de construction que le béton, pour savoir où se place le béton vis-à-vis de ceux-ci en terme de consommation d’énergie et de caractéristiques de construction.
Cette classification se contente, de manière assez simpliste, de trier les matériaux en fonction de leur « degré de transformation » par rapport à leur état naturel, sur une échelle de 0 à 100. 0 correspond à un matériau directement tiré du milieu naturel et 100 à un matériau totalement synthétique.
Matériau | Degré de transformation | Commentaires |
---|---|---|
Acier | 80 | Produit à partir du fer, il est très élastique et se laisse facilement forger. Il résiste peu à la corrosion et s’utilise donc surtout en alliage. Mais sa conception nécessite énormément d’énergie et pollue l’environnement. |
Bois | 0 | Renouvelable en permanence, théoriquement inépuisable, le bois est en outre un excellent rapport poids/résistance. Il est donc très stable, même en cas de forte variation de température. De plus, si l’on ne commet pas d’erreur au cours de sa mise en œuvre et si on le traite correctement, le bois est un matériau très durable (voir les églises norvégiennes presque millénaires). Bien sûr, chaque bois possède sa particularité (les bois exotiques résistent mieux à l’humidité, …). Mais la sensibilité du bois aux insectes et champignons a longtemps été un frein à son utilisation, bien qu’un bois correctement mis en œuvre se protège tout seul. Les attaques n’ont lieu que dans des conditions défavorables. Les principaux défauts du bois sont dus à ce que l’on pourrait appeler des malformations, comme une croissance en spirale (bois vrillé), des poches de résines, des nœuds, ... qui nuisent à la résistance et à la stabilité du bois en le fragilisant et en le rendant donc plus sensible à la flexion ou à la traction. |
Briques en terre cuite | 20 à 50 | Matériau de construction très ancien, sa composition peut varier et être plus ou moins argileuse (loess, marne, argile pure). Leurs particularités dépendent de leur fabrication, mais en général elles résistent bien aux agressions chimiques, au gel et aux intempéries. Il ne faut pas se cacher que les briqueteries consomment une grande quantité d’énergie. Parfois, il se peut qu’une contamination des eaux superficielles ait lieu (par les additifs dans certaines briques), si l’usine ne maîtrise pas ses rejets. |
Chanvre | 0 | Son sous-produit est la chènevotte, matériau léger et riche en silice, ce qui en fait un bon isolant. Il s’utilise mélangé avec de la chaux (et éventuellement plâtre ou ciment) ce qui constitue un matériau non porteur mais très isolant. Ce matériau est renouvelable, recyclable et peu polluant, il est à donc peu d’impact négatif sur la santé et l’environnement. Il sert principalement à faire du béton du chanvre. Ce dernier comprenant des matières premières issues de la culture de chanvre, il stocke du carbone. De plus, la fabrication du béton de chanvre nécessite très peu d’énergie. Selon le Groupe Lhoist, fabricant de matériaux et de produits à base de fibres de chanvre pour le secteur du bâtiment, la filière chanvre présente des caractéristiques environnementales particulièrement intéressantes : une culture de plantes annuelles avec très peu d’intrants (produits apportés aux terres et aux cultures) une transformation mécanique peu consommatrice en énergie et une forte production d’une matière facilement renouvelable (jusqu’à 10 ou 12 tonnes/ha/an).
![]() Montage d'un mur en blocs de béton de chanvre |
Chaux | 20 à 40 | Obtenue par la cuisson de roche calcaire (1200°C), c’est un des principaux liants hydrauliques utilisé dans la construction (béton en général). Mais son processus de fabrication n’est pas particulièrement propre et sa cuisson nécessite une grande quantité d’énergie. |
Ciment | 25 à 60 | Comme la chaux, c’est un liant hydraulique, tiré de roche après cuisson (1400°-1500°C). Le plus répandu est le ciment Portland (adjonction de plâtre et d’anhydrite). Mais les cimenteries sont des gouffres à énergies et sont de plus parfois utilisées comme incinérateur en brûlant certains produits usagés, les cendres dues à la combustion se retrouvant ensuite dans le ciment, il existe peut-être des risques de diffusion de composés toxiques par lixiviation du ciment. |
Béton | 40 | Il est composé d’agrégats (sable, graviers, gravillons ...), de ciment et d’eau. Il est très dense, donc résistant et d’une grande dureté, c’est un matériau hydraulique et reconnu comme ayant une bonne isolation phonique. Il ne pourrit pas, ne brûle pas, ne rouille pas. En revanche, comme tout bon conducteur de chaleur, c’est un très mauvais isolant. Ses défauts en tant que matériau et son impact sur l’environnement sont relatés ci-dessus. |
Fer | 60 | Il est extrait de différents minerais. Il est dur et cassant, c’est pour cela qu’il s’utilise surtout en alliage car il est résistant à la corrosion. Mais son procédé d’extraction est vorace en énergie et pollue l’environnement. |
Verre | 35 à 60 | Obtenu par la fusion de sable de quartz (1400°C), on peut utiliser des additifs pour améliorer ses qualités finales. Il sert surtout pour faire des vitres ou des miroirs. Mais les verreries sont des industries polluantes et voraces en énergies, même si des procédés existent pour dépolluer les procédés de fabrication. |
Autant ne pas se faire d’illusion, il est impossible de construire sans polluer. Même les matériaux les plus naturels polluent, dès qu’ils entrent dans un processus de transformation industriel. L’Office fédéral allemand de l’environnement a publié une étude comparant différentes variantes constructives d’une même maison de 80 m carré. Les données du tableau suivant sont tirées de cet ouvrage. Elles donnent un aperçu des quantités d’énergies utilisées pour la fabrication et le transport des matériaux usuels.
Matériau | Energie Grise (kWh/m3) |
---|---|
Pierres et roches naturelles, taillées ou dégrossies, selon le degré de façonnage (transport non compris) |
60-600 |
Bois local scié ou raboté, prêt à l’emploi, transport inclus | 200 |
Contreplaqués, panneau de fibre de bois, transport inclus | 160-1500 |
Briques en terre cuite | 580 |
Béton Ordinaire | 450-500 |
Verre à vitre ordinaire, transport inclus | 15000 |
Fer | 25000 |
Acier | 63000 |
Aluminium | 195000 |
Cuivre | 133000 |
Matières synthétiques : PVC (chlorure de polyvinyle) | 13000 |
Polystyrène | 20000 |
Bien entendu ses valeurs peuvent être moins élevées avec les moyens de production les plus récents.
Il va de soit que pour certaines matières comme les métaux, une unité de volume n’est pas très appropriée pour des comparaisons en raison de leur masse volumique élevée, une unité de masse serait donc plus sans doute plus judicieuse.
Le béton est donc une importante source de pollution qui est due d’une part à sa fabrication (réaction chimique, cuisson ...) et d’autre part à son exploitation (transport, ...) ; celle-ci s’est en outre considérablement développée dans cette dernière moitié du XXe siècle. Il existe cependant des alternatives au béton comme le bois ou la pierre qui sont beaucoup plus respectueux de l’environnement et ont des particularités plus intéressantes. Mais malgré ses défauts, le béton n’est pas si inintéressant et a des propriétés d’une grande utilité (résistance à la pression notamment) qui ont permis son développement dans des secteurs clés (nucléaire civil, logements sociaux ...) ce qui en fait un matériau très répandu aujourd’hui.
2008 - Projet IFIPS S2 : Thibault Baste, Marc Bouffard, César Horlait, Rémi Lacroix, Simon Marcellin, Thibault Oliveira